Le démembrement de propriété signifie la séparation du droit de propriété entre d’une part la nue-propriété détenue par le nu-propriétaire et d’autre part l’usufruit détenu par l’usufruitier.
Le démembrement a des conséquences à la fois sur les rapports bailleur-locataire mais également sur la fiscalité des revenus fonciers. Nous allons dans cet article vous détailler les conséquences de ce montage.
SOMMAIRE
Définition du démembrement
Juridiquement, le démembrement consiste en la division du droit de propriété en deux droits distincts:
- d’un côté, la nue-propriété qui est le droit de disposer (dans une certaine mesure) du bien
- d’un autre côté, l’usufruit qui permet à l’usufruitier de jouir du bien c’est-à-dire d’y habiter ou même d’en tirer des revenus locatsfruifs en le louant.
Une des conséquences principales en droit des obligations est que lorsque le droit de propriété est démembré chaque partie ne peut plus disposer librement du bien et doit demander l’accord de l’autre. En pratique, cela emporte plusieurs conséquences dont les suivantes:
- le bien ne peut pas être vendu sans le commun consentement du nu-propriétaire et de l’usufruitier;
- l’usufruitier a l’obligation de conserver la chose (et au terme de l’usufruit de la restituer); le bien devra en principe être restitué dans son état d’origine au nu-propriétaire (qui le cas échéant, pourra demander à être indemnisé si le bien a subi des dégâts au cours de l’usufruit);
- le nu-propriétaire doit laisser l’usufruitier jouir paisiblement de la chose.
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Régime par défaut et convention d’usufruit
A défaut de convention, le Code civil prévoit un régime par défaut pour encadrer les rapports entre nu-propriétaire et usufruitier.
Le Code civil prévoit notamment que lorsque le bien n’est pas mis en location, le principe de répartition des réparations entre le nu-propriétaire et l’usufruitier se fait conformément à l’article 605 du Code civil:
- l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien;
- les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu.
Néanmoins, l’origine du démembrement est le plus souvent conventionnelle et les parties peuvent déroger aux règles prévues dans le Code civil en stipulant dans le contrat par exemple d’autres règles de jouissance du bien ou de répartition des charges.
C’est pourquoi, pour rédiger la convention d’usufruit, il est recommandé aux parties (c’est-à-dire au propriétaire et à l’usufruitier) de se faire assister d’un notaire ou d’un avocat étant donné les conséquences juridiques importantes de ce type d’acte.
Durée de l’usufruit
Le droit d’usufruit est un droit obligatoirement temporaire qui a vocation à s’éteindre. Sa durée ne peut pas être illimitée, et, très souvent le terme de l’usufruit est déterminé dans le contrat à travers une durée fixe ou subordonnée à la réalisation d’un évènement.
Ainsi, l’usufruit peut s’éteindre pour différentes raisons telles que la mort de l’usufruitier, ou encore l’expiration du délai pour lequel il a été convenu ou encore la réunion sur une même tête de l’usufruit et de la nue-propriété (notons à ce titre qu’il existe une dernière hypothèse d’extinction de l’usufruit qui est plus rare: le défaut d’entretien de la part de l’usufruitier peut entraîner la déchéance de l’usufruit (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 12 mars 1970, 68-13.805)
Location d’un bien démembré par l’usufruitier
Une des conséquences principales du démembrement de propriété est que l’usufruitier a le droit d’utiliser et de mettre en location le bien.
Le droit de jouissance conféré à l’usufruitier signifie qu’il peut consentir seul un contrat de location d’une durée inférieure à neuf ans (à défaut de disposition contractuelle contraire dans la convention de démembrement) conformément à l’article 595 du Code civil et en percevoir les revenus.
Une limite existe cependant concernant la conclusion de baux commerciaux (voire de baux ruraux): en effet, le Code civil considère la conclusion de ces baux comme des actes de disposition qui nécessitent alors l’accord du nu-propriétaire.
Lorsque l’usufruitier décide de mettre le bien en location alors dans les rapports avec le locataire, c’est l’usufruitier qui assumera le rôle et les obligations d’un propriétaire classique et le nu-propriétaire est un tiers dans cette relation bailleur/locataire.
Au regard du droit locatif, l’usufruitier-bailleur est donc considéré comme étant le propriétaire du bien et donc il dispose de toutes les prérogatives d’un bailleur (conclure et signer le bail, souscrire à une assurance loyer impayé, encaisser les loyers etc…) classique et il est également tenu des mêmes obligations qu’un propriétaire traditionnel à l’égard des locataires de l’immeuble sur lequel porte son usufruit.
Qui doit supporter les réparations d’un bien démembré ?
Lorsque le bien est mis en location, l’usufruitier-bailleur endosse les mêmes responsabilités qu’un propriétaire classique. Non seulement est-il tenu aux dépenses d’entretien du bien mais aussi aux grosses réparations qui ne sont plus à la charge du nu-propriétaire mais doivent être supportées désormais par l’usufruitier-bailleur.
En effet, la jurisprudence a renforcé les obligations de l’usufruitier en jugeant que c’est à l’usufruitier-bailleur de supporter toutes les réparations, autres que locatives, qui s’avèrent nécessaires pour entretenir le bien en état d’être loué, y compris les grosses réparations (arrêt du 28 juin 2006 de la Cour de Cassation, 3ème Chambre civile 05-15.563).
Ainsi, définies à l’article 606 du Code civil et faisant l’objet d’une jurisprudence abondante, les grosses réparations sont celles qui concernent les fondations, la structure et l’intégrité de l’immeuble (poutres, murs, toitures notamment) alors que toutes les autres réparations sont dites d’entretien.
Enfin, l’usufruitier devra également supporter toutes les réparations en cas dégradations du bien commises par un locataire indélicat ou encore le manque à gagner avec d’éventuels loyers impayés. Pour ces raisons, il est fortement recommandé de souscrire une garantie loyer impayé qui protège l’usufruitier contre les impayés de loyer et les détériorations immobilières.
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Conséquences fiscales du démembrement
En cas de démembrement du droit de propriété et de mise en location du bien loué, nu-propriétaire et usufruitier ont des obligations fiscales différentes. En effet, comme nous allons le voir, le nu-propriétaire est fiscalement transparent car toutes les dépenses (entretien, grosses réparations, charges locatives etc…) ont été dans ce cas supportées par l’usufruitier-bailleur comme nous avons pu le voir.
Transparence du nu-propriétaire
Fiscalement, dès lors que le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu locatif imposable (il n’encaisse pas les loyers, et en principe il n’engage aucunes dépenses, car elles incombent à l’usufruitier), il ne peut en principe pas déduire un déficit foncier afférent au bien mis en location.
Notons néanmoins qu’une exception à cette règle existe : les dépenses qu’un nu-propriétaire aurait effectivement pu engager (en vue par exemple de la conservation du bien mis en location ou encore en application du contrat conclu entre lui et l’usufruitier) sont déductibles (BOI-RFPI-BASE-30-20-20170901 RFPI – Revenus fonciers – Modalités d’imputation des déficits fonciers).
Déductibilité des frais et charges pour l’usufruitier
En cas de démembrement, l’usufruitier perçoit les revenus générés par la location du bien (droit de jouissance), c’est-à-dire les loyers, et, comme nous l’avons vu plus haut il est également tenu des réparations.
Pour cette raison, en application de l’article 156 du Code général des impôts, l’usufruitier est autorisé, comme n’importe quel bailleur classique à opérer une déduction des charges et des frais qu’il aurait pû engager dans le cadre de la mise en location du bien.
Cela signifie qu’il pourra déduire de ses revenus non seulement les frais et charges liés à son activité de location (par exemple, les frais de gestion du bien, les primes d’asssurance loyers impayés ou PNO, les intérêts d’emprunt, etc…) mais aussi les dépenses d’entretien ou de réparations.
En résumé l’usufruitier est un bailleur comme un autre pour les impôts : pour avoir un aperçu complet des différentes options, consultez notre guide complet sur l’investissement locatif.
Le démembrement, outil de transmission et d’optimisation fiscale
Enfin, notons que le démembrement peut également être une technique d’optimisation fiscale dans le cadre de la transmission de patrimoine notamment à travers l’utilisation d’une SCI.
En effet, dans un but de transmission, un propriétaire peut avoir recours au démembrement de son bien en choisissant de vendre la nue-propriété tout en parallèle se conservant l’usufruit (la jouissance) pendant une certaine durée (par exemple jusqu’à son décès).
Cette opération offre la possibilité de bénéficier d’une fiscalité avantageuse. En effet, les droits de donations sont calculés sur le prix de nue-propriété qui est bien inférieur à la valeur en pleine propriété (le barème pour valoriser le prix de la nue-propriété est fixé en fonction de la durée de la convention en application de l’article 762 du Code général des Impôts).
La donation via une SCI démembrée est encore plus efficace dans la mesure où il est possible de caler le seuil des actions démembrées au seuil de défiscalisation de la donation. Pour comprendre en détail ce montage, consultez notre fiche sur la transmission via une SCI démembrée.
A l’échéance de la convention d’usufruit (c’est à dire au décès du nu-propriétaire), la pleine propriété est réunie entre les mains de l’usufruitier, qui ne paiera pas de droit de succession sur la nue-propriété qu’il récupère alors.
Dans tous les cas, il est fortement recommandé de se faire accompagner par un spécialiste (tel qu’un notaire) avant de procéder au démembrement d’un bien car les conséquences sont irréversibles : le propriétaire perd la pleine propriété de son bien et n’en est plus maître au regard de la loi.
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